Les Ingénieur-savants

Les ingénieurs-savants forment un groupe fort intéressant de la science française dans les années 1800-1840. Souvent formés à l’École polytechnique, alors récemment fondée (1794), ils sont à la frontière entre science et technique, ou science et industrie.


À la charnière entre théorie et pratique, ainsi qu’à la charnière entre mathématique et physique, ces ingénieurs-savants sont à comprendre comme ingénieurs ↔ savants. Dans le sens, le plus classique, savants → ingénieurs, ils appliquent leurs connaissances scientifiques à l’industrie issue de la première révolution industrielle de la machine à vapeur. Dans l’autre sens, ingénieurs → savants, plus original et spécifique à cette période, ils créent de nouvelles branches de la science fondamentale en les nourrissant de leurs résultats « de terrain ». C’est ainsi que Coriolis publie son Calcul de l’effet des machines en 1829 ; il établit aussi, en 1835, ce qui s’appellera la force de Coriolis, par observation du mouvement d’une goutte d’eau dans l’aube de la roue à aubes incurvées d’un moulin. Navier fait en 1822 la théorie de l’hydraulique des fluides, prélude à ce qu’on appellera les équations de Navier-Stokes. Et bien sûr Sadi Carnot, avec ses Réflexions sur la puissance motrice du feu, jette en 1824 les bases de ce qui sera carrément, dans ce cas, une nouvelle science : la thermodynamique. Ces ingénieurs-savants furent représentatifs d’un certain âge d’or de la science en France entre 1800 et 1840, celui de l’École polytechnique de Lazare Carnot et de Monge.


On connaît la fameuse phrase de Lagrange (1811) : « ceux qui aiment l’Analyse, verront avec plaisir la Mécanique en devenir une nouvelle branche, et me sauront gré d’en avoir étendu ainsi le domaine. » Pour Lagrange, resté un savant traditionnel, il s’agissait d’accroître l’étendue de la Mathématique, avec un M. A l’opposé, les ingénieurs-savants, d’une génération bien plus jeune que lui, ont créé des nouvelles branches de la physique et de la science – et Sadi Carnot une nouvelle science à lui seul !


Pour aller plus loin :

  • Ivor Grattan-Guinness, « L’Ingénieur-savant, 1800-1830 » (trad. fcse d’un article de 1993), en ligne BibNum.
  • Alexandre Moatti, vidéo cultureGnum (Canal-U/ FMSH), « Les ingénieurs-savants et la science en France, 1795-1840 », 2016.

Projet Nicolas Léonard Sadi Carnot au Panthéon